L’héritage des démocraties antiques sur nos démocraties actuelles

La démocratie française d'aujourd'hui s'est construite sur de nombreux changements et adaptations, notamment après la Révolution française qui va placer beaucoup de repères essentiels à la République d’aujourd’hui, comme la DDHC, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, encore en application aujourd’hui. Cependant, la démocratie ne remonte et ne se base pas seulement à la Révolution de 1789, mais à des sources antiques, notamment à Athènes, et dans la Rome Antique.

Le mot démocratie vient directement du grec ancien δημοκρατία / dēmokratía, composé de δῆμος / dêmos, le peuple, et de kratein, commander. La démocratie désigne donc au départ un régime où tous les citoyens participent à la vie publique de la cité et aux décisions publiques, c’est donc un gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple. Aujourd'hui, dans notre démocratie, le respect des libertés publiques est au cœur même de son fonctionnement. Nous avons hérité de beaucoup de principes de ces démocraties antiques, c'est-à-dire de pratiques qui ont traversé le temps et sont venues influencer la démocratie française en s’inscrivant dans sa constitution. Cependant, ces démocraties remontent à longtemps, et ne fonctionnaient pas toujours sur le même principe et n'était pas axée vers les mêmes valeurs, on retrouve donc des différences majeures entre les démocraties antiques et la nôtre.

Nous pourrons donc nous demander quel est l’héritage des démocraties antiques sur notre démocratie contemporaine en France, et en quoi se différencient-t-elles ? Nous étudierons tout d’abord la mise en place de systèmes démocratiques, puis nous verrons la citoyenneté et son évolution, ensuite nous nous pencherons sur le système politique, et enfin nous analyserons la chute de ces démocraties.



Pourquoi avons-nous avons choisi de faire notre projet sur les démocraties antiques ? Tout d'abord, nous sommes tous attirés par l'Antiquité, et encore plus particulièrement par la Grèce et Rome. Le thème d'année étant l'étude de la démocratie, nous avons pensé à étudier les apports des démocraties antiques dans nos démocraties contemporaines. En effet, beaucoup de notre culture nous provient de Rome ou de Grèce, pour ne citer comme exemple que la langue française qui possède de très fortes racines dans le latin et le grec. Nous savons aussi que les démocraties romaine et athénienne sont parmi les premières au monde. Nous avons donc trouvé intéressant de comparer les démocraties séparées de deux millénaires et voir ainsi ce que nous en avons gardé, mais aussi ce qui a évolué.

Nous présentons notre projet sous la forme de ce site internet, dans un but principalement esthétique, ce qui ne l'empêche pas d'être également plus pratique pour la navigation, les redirections, et d'autres fonctionnalités encore.

Bonne visite !

Calixte De Beler
Aurèle Martin
Gaël Manchec
François-Xavier Courel

 Sommaire



I/ La mise en place de systèmes démocratiques

A - La naissance des régimes démocratiques

1. Athènes, la création progressive d’un régime démocratique

Les bases de la démocratie athénienne ont vu le jour vers le VIème siècle avant J.-C. La cause première de la mise en place d’un régime démocratique à Athènes est dûe à une double crise économique et politique.

D’une part, avec le développement de la cité athénienne, de nouvelles terres sont colonisées. Les agriculteurs athéniens, peu compétitifs, éprouvent alors des difficultés à vendre toutes leurs récoltes et se retrouvent obligés de se vendre eux-mêmes comme esclaves.. A leur tour, les bourgeois qui les achètent les utilisent comme main d’œuvre gratuite pour toutes sortes de projets et travaux manuels, ce qui empiète alors sur le marché des petits artisans indépendants. Il en résulte alors un nombre de chômeurs qui croît de manière exponentielle, générant un fort sentiment de mécontentement des masses face à la minorité des familles riches qui dominent la cité.

Alors qu’Athènes est en pleine crise politique et sociale, Solon est nommé comme Archonte de -594 à -593. Il est considéré par beaucoup comme le père de la démocratie. Il va supprimer l’esclavage pour dette, qui était l’une des causes principales de la crise athénienne, et instaure un système de classes sociales censitaires : on dénombre alors quatre classes sociales : les aristocrates (qui sont constitués des familles les plus riches de la ville), les cultivateurs (ceux qui cultivent la terre), la classe populaire (ceux qui vivent du commerce ou de l’artisanat) et les esclaves (qui sont considérés comme biens plutôt que comme des humains).

En -508, Clisthène, dans le but de gagner du soutien politique, va concéder au peuple de lui permettre de participer à la fois aux décisions, mais aussi aux fonctions politiques, tant qu’ils sont citoyens. Cette réforme va alors totalement bouleverser le système, où les anciennes structures politiques fondées sur la richesse personnelle vont s’effondrer. La Boulè (lieu où les lois étaient établies dans les cités grecques) augmente son effectif à 500 membres.

Pour finir, en -451, Périclès créa une indemnité journalière pour les citoyens les plus pauvres et résidant loin de la ville, afin qu’ils puissent quand même participer à la vie politique.

A Athènes, la mise en place du système démocratique a pris donc plus de 150 ans avant d’aboutir à sa forme finale, qui durera jusqu’en -322, avec l’invasion d’Athènes par la Macédonie.

2. Rome, la formation brusque d’un système démocratique et la chute d’une monarchie

Depuis -616, les Tarquins ont régné sur Rome. Les archives relatant de la chute de la dynastie des Tarquins sont peu précises et parfois contradictoires, mais toutes s’accordent sur le fait qu’en -509, Tarquin le superbe est définitivement chassé de Rome. La théorie la plus répandue, également rapportée par Tite-Live, est celle selon laquelle la chute de la dynastie des Tarquins est liée au viol de Lucrèce par le fils de Tarquin le superbe, Sextus Tarquin. Elle était l’épouse de Tarquin Collatinus, un membre d’une famille de branche de la famille Tarquin. Cet évènement a directement mis le feu aux poudres, et une rébellion est déclenchée peu après.

Tarquin le superbe était déjà très haï par toute la population de Rome à cause de sa cruauté et de son caractère violent, mais aussi à cause de sa corruption et de toutes sortes d’abus divers, comme en ignorant le Sénat et en instaurant une tyrannie. Néanmoins, personne ne pouvait se révolter sous peine de fortes répressions.

Ainsi, Lucius Junius Brutus, le neveu de Tarquin le Superbe, et Tarquin Collatinus, dont la femme s’était suicidée par honte, étant eux même des membres importants de la famille Tarquin, n’ont eu que peu de difficultés à rallier les oligarques de Rome (les personnages puissant et importants de la dynastie) pour destituer et chasser le roi.

Le roi et sa famille ont fui Rome et se sont réfugiés en Étrurie. Sextus Tarquin meurt peu après assassiné à Gabies. Une fois la rébellion terminée, Junius Brutus instaure la première république romaine en -509.

3. La Révolution française

La Révolution française peut être considérée comme l’un des tournants majeurs de l’histoire de la France. Depuis de nombreux siècles, la France était fondée sur une société monarchique. Le roi et les nobles dominaient tout le territoire et la tiers-état leur était soumis. Le clergé avait également un grand pouvoir ; et bien qu’il soit incapable de faire réellement quoi-que-soit, il recevait un grand nombre d’impôts (la dime) et même le roi Louis XVI ne pouvait les négliger. Néanmoins, la crise économique de 1789 crée une énorme famine, et avec l’augmentation des impôts, le tiers état et notamment les bourgeois (individus possédants de grande riches mais pas de titre noble) deviennent de plus en plus mécontent. Le 5 mai 1789, le roi ouvre les états généraux et les députés du tiers-états sont globalement ignorés et décident de fonder l’assemblée nationale le 17 juin. Le serment du jeu de Paume est alors prononcé et les députés décident de ne pas se séparer avant d’avoir doté la France d’une constitution.

Face à cela, le roi convoque une nouvelle assemblée entre les trois ordres le 27 juin, mais rapidement, effrayés par la tournure des évènements, de nombreux députés démissionnent. Alors que le roi renvoie les députés restants comme étant « trop libéraux » le 11 juillet 1789. Les parisiens s’alarment alors et prennent les armes, prenant d’assaut la Bastille le 14 juillet pour trouver des armes et des munitions. Cela marque alors le début de la Révolution française. Bien que le roi ait essayé de calmer la situation, la nouvelle se répand rapidement dans les campagnes et les paysans se révoltent un peu partout à partir du 20 juillet jusqu’au 6 août 1789.

Les français, aimant toujours leur roi, essayent de mettre en place une monarchie constitutionnelle comme en témoigne la fête de la nation, célébrée le 14 juillet 1790, où le peuple croit toujours en la monarchie et crie “Vive le roi !”. Néanmoins, le roi, peu satisfait de sa perte de pouvoir, tente de fuir le 20 et le 21 juin 1791, mais est rattrapé et arrêté à Varennes. Son acte de fuite rompt alors instantanément les sentiments du peuple envers le roi.

Le 10 septembre 1792, le palais des Tuileries est pris d’assaut et le roi est emprisonné. Il est destitué le 21 septembre 19792 et est décapité le 21 janvier 1793. Alors que Louis XVI est destitué, la Première République, aussi appelée la République Française, succède à la monarchie constitutionnelle.

B - Le maintien des régimes démocratiques antiques

1. Des bases sociétales différentes

Organigramme_démocratie_athénienne
Fonctionnement de la démocratie athénienne
Source : Manuel d'Histoire 2nde, Nathan, 2016

La démocratie athénienne repose sur un système de citoyenneté. Néanmoins, il y a de nombreuses restrictions pour pouvoir être citoyen. Tout d’abord, les femmes, considérées comme des éternels enfants, les esclaves, considérés comme des biens matériels, ainsi que la majorité des métèques (les étrangers, aussi appelés barbares), ne sont pas considérés comme des citoyens. Seuls quelques métèques qui ont accompli de grands faits militaires pour la cité peuvent recevoir, à titre exceptionnel, le titre de citoyen. En dehors de ce cas exceptionnel, la voie normale pour être reconnu citoyen, après la réforme de Périclès en -451, est d’être un homme issu d’un père citoyen et d’une mère fille de citoyen, alors qu’avant, avoir seul un père citoyen suffisait.

A l’inverse, dans les débuts de la démocratie romaine, les grandes familles qui s’étaient révoltées contre Tarquin, les gentes, seront les principaux dirigeants de la république. Seuls les chefs de ces familles, les patres, forment l’assemblée des doyens et ont la plus grande autorité, dominant ainsi la politique et ayant autorité sur le reste de la population, la plèbe.

Néanmoins, avec de nombreux conflits internes (mutineries et trahisons dans l’armée) et externes (guerres), les tribuns de la plèbe (magistrats élus pour un an et représentant la plèbe) gagnent en influence et en -471, la plèbe devient indépendante des patriciens.

2. Des institutions politiques similaires

A Athènes, il existe trois institutions majeures, dont la principale est l’Ekklesia. L’Ekklesia est l’assemblée du peuple, où, trois ou quatre fois par mois, tous les citoyens se rassemblent sur la Pnyx, près de l’acropole. Les citoyens votent alors les lois à main levée ; chaque citoyen peut proposer une loi. D’un autre côté, l’Ekklesia tire au sort les membres de la Boulè et de l’Héliée, mais aussi élit les 10 magistrats principaux, les stratèges, qui contrôlent et commandent l’armée. La Boulè, aussi appelée le conseil des cinq cents, siège à l’agora et gère les événements de la cité tout en contrôlant les magistrats, et notamment les dix stratèges. L’Héliée, quant à elle, est une sorte de tribunal, qui distribue les récompenses et les punitions aux citoyens.

A Rome, il existe également une assemblée de citoyens, les comices, qui sont élus par les citoyens. Ces derniers élisent alors les magistrats (les deux consuls pour deux ans, les préteurs, les édiles et les questeurs pour un an). Ces derniers gouvernent alors la société sous la supervision des sénateurs. Néanmoins, à la différence d’Athènes, les citoyens ont en réalité un pouvoir factice. Alors qu’Athènes se targue d’une réelle démocratie, où chaque citoyen peut avoir une influence réelle sur la cité, à Rome, les sénateurs, étant élus à vie, détiennent le véritable pouvoir et dirigent tout Rome. On peut donc dire que Rome est plus une oligarchie qu’une démocratie, bien qu’elle se nomme république, alors qu’Athènes ressemble plus au système démocratique actuel.



II/ La citoyenneté

A - Etre citoyen

La Démocratie, et ce quelque soit le pays étudié, repose sur un principe très important, celui de la citoyenneté. Le mot "citoyen" vient du latin civis, mais la citoyenneté vient bien au départ des cités grecques, notamment Athènes.

En effet, c’est dans cette cité que le principe de citoyenneté va se développer. Cependant, il ne concerne qu’une petite minorité de la population, puisque les femmes, les mineurs, les esclaves et les métèques (les étrangers, qui venaient pour le commerce), en étaient exclus. Au total, il y avait un peu plus de 40 000 citoyens sur plus de 400 000 habitants, soit environ 10%. Pour être citoyen, il fallait avant tout être un homme libre et majeur (avoir plus de 20 ans). Il fallait aussi respecter le droit du sang : être né d’un père athénien, et le mariage liant ses deux parents devait être légal. L'inscription sur le Dème, le registre consignant les citoyens athéniens à sa naissance était aussi obligatoire. Mais ce n’est pas tout, en effet, il fallait aussi avoir suivi l'Éphébie ( le service civique et militaire).

Il faudra ensuite être né de père et de mère athéniens, suite à une loi votée par Périclès, le grand dirigeant athénien, en -451, et la citoyenneté grecque n'était pas cumulable avec une autre citoyenneté. Cela permettait de réduire le nombre de citoyens, et cela montre aussi l’importance de la femme, même si elles n’avaient pas le statut direct de citoyens, elles faisaient partie de la communauté civique. Le principe essentiel de la citoyenneté athénienne pose ainsi que tous les citoyens sont égaux devant la loi aussi nommée l’isonomie (en grec, isonomia) et interviennent donc, de manière égale, à la prise de décision politique.

Il existe aussi une citoyenneté romaine, qui est cependant assez différente de la citoyenneté athénienne. Pour différencier le citoyen romain des autres, on voit qu’il porte une toge blanche. On pouvait être citoyen romain dès sa naissance, si le père et le grand père maternel était un citoyen romain. On voit ici une différence avec Athènes car c’est le grand-père maternel et non la mère qui peut transmettre la citoyenneté (même si cela est très semblable, on retrouve ce peu d’importance de la femme). Les enfants d'esclaves affranchis pouvaient aussi devenir des citoyens romains à condition d'être nés après que leurs père ait été affranchis. Les étrangers libres pouvaient recevoir la citoyenneté, notamment s'ils servaient 25 ans dans l’armée romaine. mais aussi la recevoir par l’adoption. En effet, un étranger peut devenir citoyen s’il est adopté (et libre). Il y a aussi la Collation, mais qui restait très rare. Dans ce cas, l’empereur lui-même fait de vous un citoyen. Enfin, si un homme exerce une magistrature, alors il devient citoyen.

Dès -49, tous les hommes libres habitants l’Italie sont des citoyens, ce qui inclut les étrangers et les affranchis. Il y avait à ce moment plus ou moins un million de citoyens. Des territoires sont rajoutés en plus de l’Italie, et en 212 avec l'édit de Caracalla, tous les habitants libres de l’Empire sont des citoyens, ce qui augmente considérablement le nombre de citoyens, cependant, on ne pouvait être citoyens romains et membre d’une autre cité en même temps.

Pour être ou devenir citoyen français, il existe plusieurs façons : Tout d’abord, on peut le devenir par le droit du sol ou “jus soli”. Pour cela, il faut être né sur le territoire français depuis 8 ou 5 ans (en fonction de si vous avez 13 ou 16 ans). Ensuite, il y a le droit du sang ou jus sanguinis. Selon celui-ci, toute personne née d'au moins un parent français est automatiquement citoyen français par attribution. Il existe aussi une possibilité si l’on est ni né en France ni de parents français, c’est la naturalisation : pour cela, il faut avoir plus de 18 ans, avoir résidé de façon continue en France au cours des cinq dernières années, prouver qu'on s’est intégré en France, qu'on parle français et avoir une connaissance de la culture et de la société françaises ainsi que des droits et devoirs des citoyens français. Enfin il ne faut pas avoir de casier judiciaire, ni en France ni à l'étranger. On peut aussi devenir citoyen français par mariage avec un ou une citoyen(ne) français(e). Il existe aussi quelques exceptions qui permettent de devenir citoyen français quasiment sans aucun délai : si l’on a servi dans l'armée française, si l’on a obtenu le statut de réfugié, si l’on a fourni des « services exceptionnels » à la France ou encore si l’on vient d'un pays où le français est la langue officielle et qu’on a fréquenté une école francophone pendant au moins cinq ans.

La citoyenneté française est donc plus similaire au modèle romain, car on retrouve certaines façons d’être citoyen tels que le droit du sol ou encore celui du sang. Cependant elle inclut aussi les femmes, et bien que la France se targue qu’elle soit accessible à tout le monde, elle reste compliquée à obtenir pour les étrangers. Le principe de citoyen vient bien de la Grèce antique à la base, et le principe d’isonomie reste vrai (et heureusement !) aujourd'hui. Cependant, la citoyenneté française n’empêche pas d’en avoir une autre, et diffère en fonction des situations, alors que la double nationalité était impossible dans la citoyenneté antique.

B - Les droits du citoyen

Nous avons donc vu ce qu’était la citoyenneté, et nous savons qu’être citoyen apporte certains avantages, que l’on peut voir à travers les droits qu’il possède. A Athènes, être citoyen apporte beaucoup d’avantages, mais aussi d’obligations comme on le verra plus tard.

Tout d'abord, seuls les citoyens pouvaient avoir une terre pour leurs maisons, ou leurs entreprises, contrairement aux métèques. L’agriculture était aussi réservée aux citoyens, car elle était considérée comme une activité noble, permettant le travail des mains et la fructification du bien. Selon Aristophane, un peuple de citoyens est un peuple d'agriculteurs. Être citoyen c’est aussi avoir une meilleure justice et protection. Par exemple, tuer un citoyen est passible de mort, tuer un métèque peut entraîner le bannissement, et tuer un esclave entraîne juste une amende. Il y avait aussi une inégalité sur les sanctions apportés, un citoyen ne pouvait être soumis à la torture, et eux seuls pouvaient avoir la perte d’atimie, c’est-à-dire la perte de citoyenneté. Enfin, être citoyen permet aussi sous Périclès de touchez le misthos (ὁ μισθός), un salaire que l’on recoit lorsqu’on est bouleute ou héliaste.

A Rome, la citoyenneté apporte aussi de nombreux droits politiques, militaires et civils. Dans les droits politiques et militaires, on retrouve le jus suffragii, le droit de vote et le droit d'être élu, le jus honorum Il y a aussi le droit de participer au sacerdoce, les rites religieux le jus sacrorum, et le fait de pouvoir faire appel en cas de procès. Le jus militae est un droit militaire, donc pouvoir aller servir dans l’armée romaine et avoir une solde. Il y a aussi des droits civils, comme pouvoir se marier (jus connubii), faire du commerce sur le territoire romain (jus commercii). Être citoyen c’est aussi faire preuve d’un véritable engagement, et un véritable dévouement à la République, avec une participation possible en tant que citoyens aux débats, aux élections des magistrats civils et des chefs aux armées. Le fait d'être citoyen garantit de nombreuses libertés, individuelles et collectives, qui inspireront plus tard la France.

La citoyenneté française s’est donc inspirée des droits de Rome et d'Athènes. En effet, le droit romain est un modèle pour les droits de certaines de nos civilisations actuelles. Chaque citoyen français a des droits civiques, sociaux et économiques. Les droits civiques sont les droits de vote, d'éligibilité et d'élection. Ils rejoignent donc ceux de Rome et d'Athènes pour qui c’était un des points les plus importants, le but étant de pouvoir assurer une continuité dans la République, et une République juste pour les citoyens. Les droits sociaux et économiques sont des droits créances, c’est-à-dire qu’ils nécessitent l’intervention de l’Etat. Il y a donc le droit pour la protection sociale, ceux liés au travail, et le droit à l'éducation, et le droit à un environnement sain. Ces droits sont plus éloignés de ceux de l’Antiquité, car c’est à l’Etat de les financer, et ils visent une protection sociale, ce qui était moins important avant. Les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression, la laïcité, la liberté d’association sont des droits qui peuvent paraître évident aujourd’hui, mais qui ne l’ont pas toujours été, et qui cette fois ne découle pas de Rome et d'Athènes.

C - Les devoirs du citoyen

Enfin, si les citoyens avaient des droits, ils avaient aussi des devoirs. Le principal devoir reste celui de respecter les lois. Les citoyens athéniens devaient aussi consacrer beaucoup de leur temps à la vie religieuse et politique de la cité. En effet, l’assemblée devait se réunir 4 fois par mois, et le conseil des 500 se renouvellait tous les ans. Un citoyen devait aussi consacrer un an de sa vie à être bouleute, et devait participer à toutes les élections, assemblée et réunion de la cité. Le citoyen devait aussi siéger comme juré au tribunal. La religion était aussi mêlé à la vie citoyenne, donc le citoyen devait participer aux grandes fêtes de la cité comme les Panathénées, mais aussi participer aux grands sacrifices et fêtes familiales. Il devait aussi s’occuper du calendrier religieux de la cité, et voir s'il fallait incorporer de nouveaux dieux dans leur culte. Un citoyen pouvait aussi devenir prêtre, par élection ou tirage au sort. Il y avait donc un véritable mélange de la religion et le l’Etat. En cas de guerre, le citoyen avait des obligations militaires, et pour les plus riches des obligations financières.

Pour Rome, le citoyen romain était soumis à certains devoirs, mais moins qu'à Athènes, tout en continuant de respecter la loi. Le citoyen devait se faire recenser, donc être rattaché à une tribu urbaine ou rustique. Le recensement évalue la richesse du citoyen, son rang et sa classe dans la société, ce qui pourra servir pour les opérations militaires et les différents votes. De même, les citoyens romains devaient servir dans la légion romaine. Rome étant plus investie qu’Athènes dans les conquêtes, cela avait une plus grande importance, et plus de temps passé sous les ordres de l’armée. Si les citoyens avaient une certaine fortune, ils devaient payer un certain pourcentage pour pouvoir financer l’armée, et l’Etat en général, une sorte d'ancêtre de l'impôt. Les citoyens avaient pour obligation de participer aux cultes officiels, avec une religion d’Etat, et respecter le culte impérial de l'empereur, avec une véritable dimension religieuse pour le citoyen.

Le citoyen français doit en priorité respecter les lois, ce qu’on retrouve à Rome et à Athènes, ce qui est assez logique, car c’est sur les lois que se base la République, et ne pas les respecter c’est les enfreindre, c’est donc un devoir de les appliquer. En plus de respecter les lois, il faut respecter le droit des autres, et faire preuve de civilité et de civisme. Les impôts à payer sont un des devoirs du citoyen, comme à Rome. Ainsi, grâce aux impôts, les services publics, tels que la justice, les écoles, la police, les hôpitaux peuvent être financés. Cela permet de créer une société juste et égalitaire, notamment avec la sécurité sociale, et les impôts ne sont pas les mêmes pour tous, en fonction des revenus de chacun. Un des devoirs du citoyen est aussi la JDC, Journée de Défense et de Citoyenneté, qui concerne tous les jeunes à partir de 17 ans, autrefois le service nationale que pour les hommes. Cette JDC permet de vérifier les connaissances de la langue française, et de présenter ce qu’on attend d’un citoyen et de découvrir la communauté militaire et ses fonctions. Il y a une inspiration de l'Antiquité, avec les années de service à la légion, que ce soit Rome ou Athènes.



III/ Le système politique

Nous avons donc vu comment les démocraties antiques se sont mises en place au fil du temps. Cependant, la démocratie s'est arrêtée en -322 pour Athènes, et en -27, qui va marquer l'arrivée d’Auguste et le l’Empire Romain jusqu'en 476. Malgré les siècles qui nous séparent de ces démocraties, on retrouve un héritage certain de leurs systèmes politiques bien qu’ils puissent différer sur quelques-uns de ses aspects. Ainsi, nous allons voir comment ce système s’organise sous les différentes démocraties étudiées, notamment les institutions qu’on y retrouve et le principe de leurs élections.

A - Les institutions

Le second principe d’une démocratie est la séparation des pouvoirs entre différentes institutions politiques. Ainsi, en Grèce, celle-ci est effectuée entre l’Ekklesia, l’Héliée, la Boulè et les Magistrats. Nous allons nous concentrer surtout sur le principe de l'Ekklésia (l’assemblée) et de l'Héliée pour comprendre d'où vient cette démocratie. A Athènes, l’Ekklesia est l’assemblée des citoyens qui se réunissent sur le Pnyx, une colline où les lois sont votées. L'entièreté des citoyens athéniens en faisait partie, soit environ 40 000 personnes, et pour qu’une loi soit adoptée, il fallait que la majorité soit d’accord, sur le principe d’un vote à main levée. C’est donc bien le “peuple”, réduit à une petite partie, les citoyens, qui dirigent la vie de la cité, et permettent donc une égalité entre tous les citoyens. Ils pouvaient aussi s’exprimer à propos de n'importe quel sujet, et proposer une motion. Par exemple, l'ostracisme, le bannissement d’une personne, est voté sur un morceau de céramique (l'ostracon, qui donne nom à l’ostracisme) et c’est la majorité qui l’emportait. Les héliaste et bouleutes étaient tirés au sort pour une durée d’un an pendant lequel ils devaient s’investir dans la vie publique encore plus qu’un simple citoyen en présidant des assemblées, et en examinant ce qui est bon pour la cité ou non.

La démocratie athénienne s’est donc bâtie donc sur l'égalité entre les citoyens, avec le vote à main levée, et le tirage au sort. De même, lors d’un procès par exemple, le temps de parole est comptabilisé avec une clepsydre, pour que tout le monde ait le même temps de parole. C’est l'Héliée, le tribunal populaire qui va rendre la justice. Les héliastes sont 6000 citoyens, tirés au sort, et sont plus ou moins nombreux selon le procès, avec un verdict irrévocable, et directement appliqués. Lors d’un procès, ils débattaient ensemble sur la culpabilité du suspect, puis ensuite sur la peine qu’il fallait éventuellement appliquer.

En France, on retrouve bien un héritage de la démocratie d'Athènes, principalement sur cette répartition des pouvoirs. En revanche, ce principe de démocratie directe est impossible en France, car les citoyens français sont bien plus nombreux que ceux athéniens. De même, les institutions fonctionnent différemment, certaines ont totalement disparu aujourd'hui dans notre démocratie, et par exemple la justice n’est pas liée au pouvoir exercé par les citoyens. Pour le principe de démocratie directe, même si en France le président est élu à la majorité, il faut 500 signatures de maire pour pouvoir se présenter officiellement. Les institutions ne sont pas gérées par des gens tirés au sort, mais élus d'après des listes et les préférences des gens.

Des idées ont étés gardées d'Athènes, avec par exemple le décompte du temps de parole, mais surtout le vote dans des urnes, comme on élit aujourd’hui le président, ou comment cela peut se passer dans un référendum. Cependant c’est bien ce principe de démocratie qui est important, et les libertés qui peuvent en découler. C’est le peuple qui exerce le pouvoir via des représentants qu’elle a choisi, et ainsi faire représenter l’opinion commune sur les représentants qui s’occupent de voter les lois, et d’influencer sur le futur du pays, que ce soit au niveau national ou au niveau des relations internationales.

Du côté de la Rome Antique, nous allons nous intéresser au Sénat, qui a eu une répercussion évidente sur notre Sénat actuel. Le mot Sénat vient du terme latin senex, c'est-à-dire le vieillard. A Rome, cette assemblée était composée des chefs des grandes familles romaines (les pères, patres), et des anciens magistrats, tous élus à vie, et étaient plus ou moins 300. Le Sénat était la seule institution politique à être éternelle et continue (comparé au consulat, qui par exemple, expirait au terme d’un mandat annuel). Le Sénat détenait “l’auctoritas", c’est à dire plus ou moins “autorité”: il est bâti sur la même racine, “aug-” le verbe augere, “augmenter” ou que l'augurium, “l'augure”. Il y avait une véritable dimension religieuse avec le Sénat, car on trouvait un fort fondement religieux, l’augure étant celui qui donne sens aux signes divins. Cette “auctoritas patrum” était aussi le souvenir du pouvoir auspicial des “Patres”, seuls capables d'interpréter les signes divins qui influaient sur leurs décisions ce qui créait un véritable lien avec la religion. Le Sénat était donc une institution religieuse et politique, les séances se passaient dans un espace délimité “templum”, et étaient précédés d’un sacrifice pour les dieux. Elles se déroulaient dans un hémicycle, une construction en demi-cercle autour d’une tribune. Les lois votées par les assemblées étaient confirmées par les sénateurs grâce à l'"auctoritas''.

Les fonctions sénatoriales n’étaient pas vraiment définies, mais on sait aujourd’hui que les sénateurs jouissaient depuis l'époque royale d'une supériorité sur tous les autres organes politiques. Malgré le fait, qu'en théorie, le Sénat ne disposait que de pouvoir limité, il jouait un rôle religieux, législatif, financier et de politique extérieure important. Il agissait aussi comme un conseil d'Etat, sur les affaires de la vie quotidienne.

Cette institution a été reprise en France, mais avec cependant certaines différences assez importantes mais avec des ressemblances aussi, on le voit notamment avec un nom identique. Le Sénat en France a aussi cette notion de permanence, car il ne peut être dissous contrairement à l'Assemblée Nationale. Mais les sénateurs ne sont pas élus à vie, ils sont 348 sénateurs élus pour six ans au suffrage universel indirect et se renouvellent par moitié tous les trois ans. Les sénateurs sont élus par un collège d’environ 160 000 grands électeurs (qui sont obligés de participer au vote). Ce collège est composé des députés, conseillers en tout genre et des délégués des conseils municipaux. Le Sénat contrairement à la Rome Antique ne dispose d’aucune dimension religieuse, vu que la séparation de l’Eglise et de l’Etat est effective en 1905.

Aujourd’hui, le Sénat vote la loi, contrôle l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques. Ses pouvoirs sont fixés par la Constitution. Le but du Sénat est d’examiner les lois, de les valider, les projets ou propositions de loi sont donc examinés successivement par les deux assemblées jusqu’à ce que le texte soit identique. Après deux lectures par les deux chambres, la loi peut être acceptée ou non, et si elle ne l’est pas, les présidents des deux assemblées agissant conjointement et peuvent convoquer une commission mixte paritaire (qui est d’un même nombre de députés et de sénateurs) et doivent trouver un compromis entre les divergences. Le Sénat contrôle donc en partie la politique du gouvernement.

On peut donc voir un réel héritage de Rome, notamment sur l’étendue des pouvoirs du Sénat, cependant à Rome les pouvoirs du Sénat ne sont pas clairement définis, contrairement à notre démocratie où tout est inscrit officiellement. Par exemple, le Parlement autorise la déclaration de guerre, la prolongation au-delà de douze jours de l’état de siège et d’urgence. Pour le lieu, le Sénat se trouve au palais du Luxembourg, et les séances se passent dans un hémicycle, un héritage de Rome. Il y a donc contrairement à la Rome Antique des élections, pas de religions et des délimitations précises du rôle du Sénat et de ses pouvoirs, et une chambre bicamérale. Cependant, le principe reste plus ou moins le même, avec des sénateurs qui influent sur la vie publique et les lois.

B - Les élections

A Athènes, on pouvait observer une façon très particulière d’élire les politiciens. En effet, sans prendre en compte l’Ekklesia (où aucun n’est élu), 6500 sur 6520 politiciens étaient tirés au sort par l’Ekklesia parmi les citoyens de plus de 30 ans. Ainsi était assuré une participation équitable à la gouvernance de la cité car tout le monde pouvait devenir héliaste (appartenant à l’Héliée) ou bouleute (appartenant à la Boulè). Les 20 restants sont des Magistrats (10 archontes et 10 stratèges) auxquels sont demandés des tâches plus complexes demandant de plus amples connaissances. Le régime politique athénien était une démocratie directe, c’est-à-dire que les citoyens pouvaient participer directement aux décisions d’ordre public. En effet, ils appartenaient tous à l’Ekklesia, ou assemblée du peuple. Mais cette intense intégration citoyenne ne se faisait pas sans frais. La participation à l’Ekklesia étant obligatoire, l’Etat versait une indemnité aux citoyens. Cette indemnité, nommée « misthos », compensait la perte d’une journée de travail et permettait ainsi aux citoyens de participer à la vie publique.

En France, on retrouve aussi un rôle qui est attribué aléatoirement parmi les citoyens de plus de 23 ans : celui de juré d’assise. Ce jury est un citoyen tiré au sort sur les listes électorales pour siéger à la cour d'assises. Il participe aux côtés des magistrats professionnels au procès des personnes accusées de crime. Le juriste exerce pleinement la fonction de juge. Si un citoyen est retenu pour siéger lors d'une session d'assises, il se doit d’y assister. Cependant, il y a beaucoup moins de tirage au sort qu'à Athènes, et les citoyens accèdent moins à de hautes responsabilités. En France, on constate donc qu’il y a moins de tirage au sort, de pouvoir des citoyens et de misthos, cependant ceux-ci jouent tout de même un rôle, notamment avec celui de juré.

Du côté de Rome, on pouvait retrouver aussi un système très différent du système français actuel. En effet, les politiciens évoluaient selon la “Carrière des Honneurs” ou Cursus Honorum. Il était constitué d’une série de magistratures que devait exercer un Romain dans le cadre des institutions, avant de parvenir au consulat. Ce sont la questure, l'édilité (patricienne ou plébéienne), le tribunal de la plèbe (pour les plébéiens), la prêture et enfin le consulat. Cet ordre, obligatoire, permettait de gagner des compétences et d’avoir pour magistrats suprêmes des hommes mûrs et expérimentés. A Rome, tous les citoyens romains appartiennent à une comice (en fonction de son lieu de résidence, de sa fortune, de sa position…). Les comices sont dans la République romaine des assemblées qui expriment la volonté du peuple romain dans les domaines électoraux, législatifs et judiciaires. Ces assemblées sont au nombre de trois, ou quatre si l'on comprend le concile plébéien. Elles rassemblent toutes les mêmes citoyens, mais diffèrent par leurs compositions, leurs compétences et leurs fonctionnements.

Assemblée Elections Législation Judiciaire
Comices centuriates Consul, préteurs, censeurs Lois, déclaration de guerre, confirmation du pouvoir des censeurs Crimes d’État passibles de mort
Comices tributes Édiles curules, questeurs, tribuns militaires, magistrats spéciaux Lois Crimes d’État passibles d’amendes
Concile plébéien Tribuns et édiles de la plèbe Plébiscites Abus de pouvoir

Fonction des comices du peuple romain


En France, il n’existe aucun équivalent au Cursus Honorum. En effet, les institutions sont toutes reliées entre elles et partent des citoyens. Ainsi, ceux-ci élisent le président, les grands électeurs et les députés de l’Assemblée Nationale. Suite à quoi les grands électeurs élisent les membres du Sénat (sénateurs) et le président nomme les membres de son gouvernement. Enfin, 3 membres du Sénat, de l’Assemblée Nationale et du gouvernement sont désignés afin de constituer le Conseil Constitutionnel. La grande majorité des citoyens ont une participation moins marquée dans la vie politique. En effet, bien qu’ils soient à la base du système d’élection, ils n’ont pour la plupart aucun poids dans le système politique français. Ils ne peuvent décider des lois (sauf en cas de référendum), ne rendent pas de jugements.

On retrouve cependant certaines ressemblances entre Rome et la France, comme on peut le voir avec le fait qu’un “dictateur” pouvait être nommé en cas de crise et avec une prise des pleins pouvoirs. Cette situation ressemble beaucoup à l’état d’urgence qui peut être déclaré en France en cas de problème, on a pu le voir avec l'état d’urgence sanitaire mis en place avec la crise sanitaire liée au Covid, qui peut s’apparenter à une prise des pleins pouvoirs pour certains. Les citoyens ont tout de même une participation qui influence la vie politique, même si le rôle joué est plus minime, le vote à quand même une importance capitale sur les dirigeants et le pouvoir en place. En France, on peut donc constater certaines différences avec la Rome Antique, notamment sur le Cursus honorum, ou une place active des citoyens dans la vie politique. Cependant, des ressemblances se constatent sur la prise des pleins pouvoir, ou l'élection des dirigeants.



IV/ La fin d'une démocratie

A - La fin d'une démocratie antique : la guerre du Péloponnèse et la chute d'Athènes

La Grèce antique est en plein âge d’or au Vème siècle avant J.-C. Athènes est alors la cité la plus puissante et la plus rayonnante de la Grèce, de par sa culture et son économie. Elle est de plus à la tête de la ligue de Délos, ligue rassemblant des cités grecques, notamment pour lesquelles Athènes offre sa protection militaire en échange d’un impôt, pour résister face à la menace Perse. Cependant cette alliance devient progressivement un “empire athénien”, car les cités perdent peu à peu leur indépendance et la flotte qui devait les protéger est utilisée pour les réprimer s' ils voulaient sortir de cet impérialisme athénien.

Cependant la cité de Sparte refuse de faire partie de cette alliance car tout l’oppose à Athènes, particulièrement son système politique : Sparte a un système complexe puisqu’elle combine quatres régimes différents : la démocratie, représentée par l’Ekklesia, une oligarchie, une tyrannie et enfin une dirachie, incarnée par deux rois qui ont pouvoir notamment religieux et militaire, ce qui leur donne beaucoup d’influence. De plus, Sparte a les capacités de faire de la concurrence à Athènes sur le plan économique mais surtout militaire car l’armée spartiate est la plus renommée de la Grèce antique.

Sparte fonde la ligue du Péloponnèse en rassemblant des cités de la péninsule éponyme pour faire contrepoids à la ligue de Délos. Parmi ces cités nous retrouvons Corinthe, Thèbes, Delphes, Olympie, …

Dès la fin des guerres médiques (guerre opposant les Grecs aux Perses), les relations entre Athènes et Sparte se dégradent, et après plusieurs incidents, les deux ligues rivales se déclarent la guerre en -431.

La stratégie est très différente d’un camp à l’autre : Athènes, puis puissants sur la mer et plus riches tentent une guerre d’usure alors que Sparte, possédant la meilleure armée terrestre à tout intérêt à faire une guerre rangée et rapide. Elle va donc régulièrement effectuer des raids en Attique pour piller et détruire les récoltes athéniennes dans le but de faire sortir les troupes de ces derniers hors de la cité pour une bataille rangée, mais cette stratégie échouera car la cité athénienne reste ravitaillée par sa flotte maritime.

La guerre dure jusqu’en -404. Durant cette guerre, beaucoup de retournements ont lieu, parmi lesquels l’épidémie de la peste d’Athènes, l’alliance entre Sparte et la Perse qui l’aide à se construire une flotte pouvant rivaliser avec celle d’Athènes, la mort de Périclès bousculant la vie politique d’Athènes, etc.

La guerre se termine donc avec la reddition d’Athènes et de la ligue de Délos, qui est dissoute : la cité reste en place mais le régime est changé pour un régime non démocratique, appelé la “Tyrannie des Trente”. Comme son nom l’indique, c’est une oligarchie menée par trente “tyrans” installés par Sparte. Ces tyrans réduisent considérablement l’accès à la citoyenneté à 3000 personnes au lieu de 40 000, ils contrôlent totalement les institutions, comme la Boulè (toujours existante cependant), ont le soutien de la garnison spartiate, éxécutent des métèques pour s’accaparer leur fortune, etc. Même si ce régime ne dure qu’un an, cette crise marque profondément Athènes et la guerre du Péloponnèse met fin à l’âge d’or de la Grèce antique.

B - Les limites des systèmes démocratiques

Grâce à l’étude de la guerre du Péloponnèse et à d’autres évènements historiques, nous allons mettre en parallèle la chute de démocraties antiques et contemporaines. Nous nous appuierons notamment sur les faits suivants :
 - La fin de la démocratie romaine
 - La Révolution Française, la Terreur puis l’Empire
 - Le nazisme et le régime de Vichy

1. La guerre

Lors de la guerre du Péloponnèse que nous avons étudiée juste précédemment, même si Athènes est considérée comme le berceau de nos démocraties actuelles, elle était à la tête d’un empire. Cela se rapproche beaucoup plus du colonialisme de nos sociétés européennes auparavant. Cependant, nos sociétés ont évolué et la vision des Athéniens est bien différente de la nôtre aujourd’hui, qui est plutôt de propager le régime démocratique à tous et vouloir absolument combattre tous les tyrans.

La mise en place de la "Tyrannie des Trente” peut être mise en parallèle avec celle du régime de Vichy en juillet 1940 : ces deux changements de régime interviennent suite à la perte d’une guerre et instaurent un pouvoir très fort qui donne l’illusion d'une démocratie et qui collabore avec les vainqueurs de la guerre (dans le premier cas Sparte et dans le second les Nazis). Les deux régimes désignent aussi des coupables, des boucs émissaires (métèques et juifs), donnant lieu à de nombreuses différence entre les deux cependant est que la population athénienne était beaucoup plus hostile à la Tyrannie des Trente, notamment parce que la vie politique a plus d’influence dans une cité peuplée que dans une France encore très paysanne.

2. La dérive autoritaire du dirigeant

On peut définir la fin de la démocratie romaine de deux façons différentes : officiellement, c’est le couronnement d’Octave en -27, le neveu de Jules César, qui devient ainsi l’empereur Auguste, suite à la mort de Jules César, assassiné aux Ides de Mars (15 mars) de l’an -44. Cependant, Jules César est nommé dictateur à vie par le sénat en -44 , ce qui est par définition anti-démocratique. Cette dérive autoritaire a lieu en fait depuis que César a franchi le Rubicon (représentant les limites de la ville de Rome) avec les armées, bravant ainsi l’interdiction du Sénat qui l'empêchait de revenir de Gaule. L’assassinat de Jules César peut être donc vu comme un moyen de “sauver” la République, mais il instaure en même temps un climat de désordre dans la République en lui enlevant son dirigeant. Ce climat sera favorable à Marc-Antoine et Octave, qui tous deux prétendent au pouvoir. C’est finalement Octave qui devient le premier empereur romain à l’issue d’une guerre entre ces deux derniers.

Ce changement de régime possède beaucoup de points communs avec l’issue de la Révolution française : dans cet exemple, c’est le parti des Montagnards, mené par Robespierre qui prend de plus en plus d’influence et finit par contrôler la toute jeune République via le Comité de Salut Public . Ils instaurent pour cela un climat de peur sur toute la société pendant ce qui sera appelé la Terreur. Cette dérive autoritaire provoque naturellement des réactions, qui aboutissent à la mort de Robespierre le 10 thermidor de l’an II, soit le 28 juillet 1794. Le Directoire est mis en place, mais le système resté fragile favorise l'arrivée du Général Bonaparte au pouvoir. Cette comparaison est d’autant plus intéressante car Napoléon veut instaurer un Empire en s’inspirant de l’Empire romain.

Nous l’avons constaté, un facteur essentiel à la chute d’un régime démocratique est l’instabilité du pays : beaucoup des exemples cités ci-dessus interviennent dans un contexte de guerre entre pays (comme Athènes et à notre époque le régime de Vichy) ou alors que la démocratie n’en est en fait plus réellement une (comme Rome avec Jules César qui devient peu à peu un dictateur ou lors de la Révolution Française, où la France n’avait pas encore d’expérience démocratique et le pouvoir était détenu principalement par les Montagnards). Cela veut dire que si nous voulons aujourd’hui éviter que nos démocraties disparaissent, il faut favoriser la paix, ce que le monde actuel réussit grâce à l’ONU ou à l’Union Européenne par exemple, et rester vigilant que le fait que le dirigeant ne puisse prendre de plus en plus de pouvoir. Ce dernier point est plus difficile ; aujourd’hui, certaines personnes reprochent justement à la constitution de la Vème République de donner trop de pouvoir au Président de la République.

Conclusion

Ainsi, nous avons pu voir qu’entre la démocratie française et celles antiques, on retrouve de nombreux points communs et différences, et ce, dès leur naissance, dûe à un sentiment général de mécontement, de colère voire de haine envers les élites ou le gouvernement bien que ce sentiment ait différentes causes en fonction du pays étudié. De plus, chaque démocratie base son fonctionnement sur la notion de citoyenneté, définie par sa façon de l’obtenir, ses droits et ses devoirs. Ceux-ci vont être différents en fonction de la démocratie ciblée et vont se diversifier et s’élargir à partir de l’Antiquité pour arriver à ceux actuels français. On retrouve aussi dans ces démocraties un partage du pouvoir politique entre différentes institutions dont certaines ont franchi les siècles et ont été transmises au système démocratique français, bien qu’ayant changé de fonctionnement, de composition ou de compétence. Enfin, les démocraties antiques ont pris fin suite à des événements qui ont rendu le pays extrêmement instable, notamment des guerres civiles ou internationales. Mais ces conflits sont seulement la fin d’un processus d’affaiblissement de la démocratie ou du basculement de celle-ci dans un régime plus autoritaire.

En ce moment même, en France, la démocratie française a été catégorisée comme “défaillante” selon une récente étude de The Economist suite à la crise du Covid qui aurait privé les citoyens de trop de leurs libertés. Cette opinion est loin d'être isolée et rejoint un courant, qui pense que la démocratie française est en danger aujourd'hui.



Bibliographie & Sitographie

Livre

Hollard, Virginie. Tirage au sort et élections dans la Rome antique. Y a-t-il eu une démocratie romaine ? Participation, 2019, Hors-série, p. 117-137

Livre

Deniaux, Elisabeth. Rome de la cité-Etat à l’Empire – Institutions et vie politique. Hachette, 2014. 256p.

Livre

Mogens Herman, Hansen (traduit par Badet, Serge). La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène. Les Belles Lettres, 2003. 496p.

Livre

Mossé Claude. Politique et société en Grèce ancienne : Le « modèle » athénien. Flammarion, 1999. 242p.

Livre

Wattel, Odile. La politique dans l’Antiquité romaine. Armand-Colin, 2000. 192p.

Livre

Baslez, Marie-Françoise. Histoire politique du monde grec – Des temps homériques à l’intégration dans le monde romain. Armand-Colin, 2015. 320p.





Web

HistoireDuMonde.net. Les institutions politiques [En ligne], In Histoiredumonde, le 14/04/2017. [Consulté le 06/02/2022]